Sous d’autres cieux, l’entreprise qui aurait réussi à placer deux de ses employés à la tête des deux chambres du Parlement serait qualifiée de «pieuvre», voire de «mafia» et accusée de contrôler de fait le pays. Heureusement, nous sommes en Suisse! Que le président (UDC) du Conseil national et celui du Sénat (PDC) émargent à la même compagnie d’assurances est une coïncidence qui n’alarme personne.

Le conseiller national Jürg Stahl (UDC/ZH) – premier citoyen du pays – appartient à la direction de ce géant de l’assurance-maladie, alors qu’Ivo Bischofberger (PDC/AI), désormais à la tête du Conseil des Etats, a un mandat de membre consultatif. Tous deux siègent en commission de la santé. «Une caricature de l’importance du lobbyisme des caisses au parlement», réagit Daniel Brélaz (Les Verts/VD). «Un bon reflet de la façon dont se passent les choses ici», ajoute Liliane Maury Pasquier (PS/GE).

On imagine le tollé si ces messieurs venaient de Goldman Sachs! Mais les entreprises suisses sont vertueuses. Elles ne songeraient jamais à abuser d’une position dominante. C’est pourquoi personne ne bronche, sinon quelques adversaires politiques envieux et notre ex-corédacteur Jean-François Fournier, qui s’interroge sur sa page Facebook:

Bravo à mon assureur pour cette démonstration de force... Petite question: les hausses de ma prime servent à payer leurs jetons de présence?

Dans la Suisse de 2016, le conflit d’intérêts est si bien intégré au paysage qu’on ne s’en étonne pas davantage que de la neige sur les sommets des montagnes.