La première rencontre entre MM. Trump et Poutine à l’occasion du G-20 à Hambourg a duré plus de heures, bien au-delà de ce à quoi l’on s’attendait d’un côté comme de l’autre. L’entretien direct des deux plus puissants chefs d’État au monde a généré une «chimie positive» selon le secrétaire d’État américain Rex Tillerson. Un accord de cessez-le feu en Syrie a été signé, peu spectaculaire, mais historique: c’était «la première fois, depuis l’éclatement du conflit syrien en 2011, que les États-Unis sont devenus partie prenante d’un accord formel visant à une désescalade de la violence», relève Serge Trifkovic. Par ailleurs, selon le même commentateur, les modalités d’application — impliquant la surveillance du cessez-le-feu par la police militaire russe en coordination avec les Américains et les Jordaniens —, témoignent d’une reconnaissance de facto de la présence militaire russe en Syrie comme légitime et acceptable.

Autre signe de détente entre les deux puissances, le peu de crédit accordé de part et d’autre à la campagne sur l’intervention russe dans les élections US. En donnant sa parole que rien de tel n’avait eu lieu, Vladimir Poutine s’est exposé au risque d’un discrédit total si la partie américaine produisait des preuves sérieuses d’immixtion (dont on n’a encore pas vu le commencement). Or Poutine n’aime pas, c’est le moins qu’on puisse dire, passer pour un rigolo.

Ignorant la bronca permanente du parti de la guerre néocon et de l’establishment médiatique, l’administration américaine s’est donc engagée dans la voie d’une géopolitique réaliste et de la défense de ses intérêts nationaux dans le cadre d’un monde multipolaire.

«La première rencontre de Donald Trump avec Vladimir Poutine montre qu’il n’a pas complètement succombé à la pression du Marécage, qui a été inlassable. Il semble comprendre que nous devons rétablir une hiérarchie pragmatique des intérêts globaux américain, autrement dit de réaffirmer une raison d’État rationnelle qui rendrait possible une détente avec Moscou.»

Soulignant lui aussi les retombées positives de la rencontre Trump-Poutine, Jacques Sapir souligne de son côté la défaite des «ayatollahs du Libre-Echange», ainsi que de la tentative d’imposition d’une gouvernance globale à travers l’idéologie climaticiste et la Conférence de Paris. Le scepticisme de Trump, mais également d’autres grands pays comme la Chine, face à l’alarmisme climatique, montre qu’ils ont compris quels en étaient les moteurs réels:

«En fait, avec ce G-20, on a pu commencer à voir la réalité qui se profile derrière les grandes déclarations sur la «menace climatique»: celle d’une situation qui vise à ouvrir aux grandes entreprises de nouveaux champs d’action, comme par exemple celui du remplacement de la voiture à moteur thermique par un moteur électrique, quand on sait que la construction des batteries nécessaires pour ce véhicule consommera autant de carbone que huit années d’utilisation d’un véhicule diesel, mais qui ignore de plus en plus les problèmes réels de pollution auxquels les populations sont confrontées, qu’il s’agisse de la pollution atmosphérique, ou de la pollution des eaux et des aliments par les produits issus de l’agriculture industrielle.»

Bref, conclut Sapir, «Le bilan global de ce G-20 est bien celui d’une défaite des tenants d’une forme de “mondialisme" et de la reconnaissance de la légitimité d’action des nations souveraines. Ce constat est, et c’est normal, enrobé de diverses couches de sucre pour faire passer la pilule. Mais il est incontestable que la réunion de Hambourg a bien acté de l’existence d’un monde multipolaire, un monde dans lequel aucun pays ne peut prétendre à lui seul dicter ses lois et exercer son pouvoir.»

Il est malheureux et cocasse de constater que l’Union européenne demeure, après le ralliement de Washington à la Realpolitik, le QG et le laboratoire de l’expérimentation mondialiste.