Jusqu'il y a peu, le test PISA promu par l'OCDE était un outil assez fiable pour l'évaluation des connaissances scolaires. Mais ses récentes versions témoignent d'une évolution assez spectaculaire vers la promotion... de l'illettrisme. L'analyse de Stevan Miljevic, professeur en Suisse, est dévastatrice.

Le test PISA devient un dangereux instrument de promotion de l’illettrisme et de propagande mondialiste

1 juillet 2016 par stevan

J’ai toujours apprécié le test PISA. L’idée de comparer les différents systèmes scolaires m’a toujours semblé un excellent moyen de se situer et de se remettre en question. Certes, il n’est pas parfait, les enseignements qui sont les siens sont somme toute restreints en comparaison de ceux des mega-analyses sérieuses existantes dans le monde éducatif (mais qu’on ne prend malheureusement pas en compte…) mais, dans l’ensemble, l’outil est intéressant. Ou plutôt devrai-je dire était, tant l’imparfait d’un passé définitivement révolu semble se profiler au regard des dernières orientations prises par le test éducatif de l’OCDE.

En 2012 déjà, outre les traditionnels tests portant sur les maths, la langue maternelle et les sciences, PISA commençait à fournir des impulsions farfelues avec un nouveau module portant sur la résolution de problèmes. Pour bien comprendre ce que les grands pontes de l’OCDE entendent par résolution de problème, voici un exemple de question qu’on trouvait alors :


Il s’agissait donc pour l’élève de tâtonner jusqu’à trouver un trajet de 15 minutes. Toute connaissance a complètement disparu de la chose (sauf évidemment la lecture de l’énoncé). Même les plus élémentaires calculs étaient évacués puisque le programme se chargeait d’additionner les durées des différents tronçons. Autant dire qu’une telle question n’analyse en fait que la capacité qu’a un élève à tâtonner et éventuellement à persévérer un peu devant l’échec. Si on peut estimer que l’école peut, accessoirement, se livrer occasionnellement à ce genre de performances, il ne faudrait pas oublier que son rôle est totalement à l’opposé : elle transmet des connaissances, ce qui est justement la meilleure manière de résoudre des problèmes sans avoir à recourir au tâtonnement et donc au hasard.

En poussant un peu la réflexion, il faut bien admettre que l’apprentissage de la résolution de problème par des heuristiques hasardeuses est le propre des sauvages, des personnes vivant à l’état de nature hors civilisation. Et encore est-ce là tout relatif, puisque toutes les sociétés, même les plus primitives essaient d’organiser un minimum de transmission des savoirs…Ce que Schleicher et consort estiment donc comme important est…la capacité que peut avoir un illettré à se mouvoir dans un environnement technologique ! Autant dire l’inverse de tout ce que le progrès peut apporter !

Mais ce n’est pas tout. Encouragé par ce ballon d’essai, l’aréopage OCDE a franchi un pas supplémentaire puisque le PISA 2015 fut l’occasion de tester la collaboration entre élèves pour résoudre des problèmes ! Il ne leur suffit donc plus de tester le vide, il faut le faire en collaboration avec d’autres ! Et de mettre sur pied des situations en ligne bidon simulant l’interaction avec d’autres élèves par le biais d’un tchat à choix multiples. Penser à la nécessité de former un élève à communiquer via la technologie à l’ère de whatsapp et des réseaux sociaux, il fallait le faire ! De plus, à voir les propositions possibles, je pense honnêtement que si j’avais été élève j’aurai cliqué à quelques reprises sur des réponses farfelues rien que pour le plaisir ! Voici quelques étapes d’une situation problème à résoudre collectivement pour vous faire une idée.

1

2

3

4

Les grands penseurs de l’OCDE ne semblent pas être au fait que la résolution de problème par le biais d’heuristiques hasardeuses comme la collaboration sont des éléments que l’évolution humaine semble avoir préprogrammés en nous. Ce qui a pour conséquence que ce sont des objectifs que nous atteignons extrêmement rapidement et sans faire de grands efforts. Autant dire des éléments dont on peut laisser l’apprentissage à la vie de tous les jours. L’école devrait plutôt avoir pour ambition d’atteindre le lointain, le difficile, ce que la vie ne nous apprendra pas d’elle-même.

Le big boss du PISA justifie ces choix par la nécessité au 21ème siècle de travailler de nouvelles compétences, de cesser de transmettre des connaissances. Pour lui, l’école doit dorénavant « donner une boussole à chacun, pour le rendre capable de construire son propre savoir, apte à distinguer le vrai du faux quand il navigue sur Google » démontrant par là une totale incompétence en matière de fonctionnement du cerveau. En effet, pour pouvoir raisonner ou distinguer ce qui est vrai du faux, il est impératif d’avoir des connaissances. On ne raisonne pas à partir de rien.

Mais la cerise sur le gâteau réside vraisemblablement dans le mépris de la démocratie qu’exprime le grand patron du PISA. Lorsqu’on est démocrate et à la tête d’un institut de recherche international sur l’éducation, on s’abstient de politiser son discours. Surtout ce qui touche aux contenus éducatifs. L’école n’est pas là pour former des militants, mais pour donner des éléments permettant à tout un chacun de se faire son opinion de la manière la plus neutre possible. Or, ça, Schleicher et consort semblent s’en moquer comme de leur dernière chaussette puisqu’ils préconisent d’une part de former les gens à « accepter de perdre leur boulot » en leur donnant « confiance en leur capacité d’en trouver un ou d’en créer un autre », ce qui fait, vous l’imaginez bien, le grand bonheur de tous ceux qui se battent pour la protection des travailleurs. D’autre part, ils annoncent la couleur pour le PISA 2018 qui testera… suspense, roulements de tambour… le niveau d’«acceptation entre les peuples, les cultures » autrement dit la dose de cosmopolitisme ingurgitée par les élèves. Je vois d’ici se réjouir les islamo-sceptiques ou simplement ceux qui pensent que l’assimilation est une meilleure option que le multiculturalisme.

En bref, ce qui était à la base une bonne idée est en train de dégénérer en un fatras d’inepties pédagogiquement et idéologiquement orientées. En conséquence, il ne me reste qu’à demander à monsieur Schleicher de montrer l’exemple en acceptant de céder son travail à une autre personne plus compétente et démocrate avec toute la confiance en sa propre capacité à en retrouver un qu’il souhaite que notre jeunesse développe…