MIGRATION | Et si la religion n'était pas le problème ?
Dans l'édition de juillet du magazine Cicero, le sociologue Gunnar Heinsohn parvient à démontrer, sur la base d’une expérience remarquable, que ce qui empêche l’intégration entre deux groupes de personnes dépend moins de leur culture, de leur religion ou de leur appartenance ethnique que de leur degré d’instruction.
Ainsi, deux groupes tests ne comprenant que des sujets d’origine allemande non issus de l’immigration, amenés à se côtoyer durant un week-end de rêve afin de susciter des relations, ne créèrent pour ainsi dire aucun lien durable entre eux, car l’un des groupes était constitué uniquement d’anciens étudiants de haut niveau et l’autre d’anciens élèves ayant échoué dans leur cursus scolaire.
Que ce soit à Damas, Istanbul ou New York, les personnes peu formées et celles hautement qualifiées ne se mélangent pas entre elles. Mais il suffit que le groupe soit homogène au niveau du degré de formation et partage au moins une langue de communication pour que des liens se créent, la collaboration s’installe et l’intégration réussisse.
Partant, l’auteur pointe du doigt la politique migratoire allemande erronée de ces dernières décennies. Afin de garantir la survie de certaines entreprises en difficulté en leur permettant d’engager de la main-d’œuvre bon marché,on fit entrer dans le pays une multitude de travailleurs mal formés. Résultat : les entreprises partirent malgré tout en faillite et les travailleurs immigrés finirent à l’assistance sociale, grevant ainsi lourdement les finances publiques. En 2006, un test PISA démontra qu’en comparaison avec la population autochtone, la productivité des enfants d’immigrés était plus basse en Allemagne que dans les 56 autres pays analysés.
Le Canada par contre, qui finit premier de ce test, devint le premier pays où les enfants de migrants dépassèrent les enfants de la population indigène. Ceci en raison du fait que depuis 1976, ce n’est plus le besoin momentané des entreprises qui détermine la politique d’immigration. Depuis 2002, le Canada exige même une surqualification des immigrants, parce qu’il est plus facile pour un pilote d’avion de devenir chauffeur de taxi que l’inverse.
Les besoins économiques du moment sont considérés comme secondaires, car le succès économique futur dépend de fondations d’entreprises à venir, dont les besoins sont encore inconnus, mais qui exigent une grande capacité d’innovation.
Tous les pays du monde connaissent un manque de travailleurs compétents, alors que la demande de personnel qualifié augmente de manière disproportionnée. En même temps, tous les pays ont un nombre surnuméraire de travailleurs peu ou non qualifiés. Ceux d’entre eux qui continuent à faire entrer en masse de la main-d’œuvre bon marché et mal formée menacent en même temps leur paix intérieure et leur capacité concurrentielle. Les chiffres de l’étude Pisa de 2012 sont éloquents en ce qui concerne l’Allemagne : sur 1000 enfants issus de la migration, 75 obtinrent un résultat bon à très bon. Parmi les enfants des Allemands d’origine, ils étaient 221 sur 1000 à obtenir le même résultat. Parmi les enfants de migrants, 508 sur 1000 obtinrent un niveau lacunaire ou insuffisant, alors que ce chiffre était de 299 parmi les enfants d’origine allemande. Tout ceci provoqua une baisse générale du niveau de formation.
Les élèves allemands de quatrième année qui obtenaient en 2007 le 12e rang dans un test de mathématiques international ont reculé en 2011 au 16e rang malgré des dépenses de plus en plus importantes dans le domaine de l’instruction. Et en 2015 ils n’occupaient plus que le 24e rang. La part des élèves allemands à très haut niveau de performance ne se situe plus qu’à 5,3 % alors qu’il est de 50,1 % à Singapour et de 16,6 % en Angleterre.
En raison du fait que personne ne supporte durablement être considéré comme un raté, nombre de jeunes immigrés malformés se tournent vers des mouvements ultra-nationalistes ou religieux dans le cadre desquels ils se radicalisent. Là où l’échec génère un sentiment d’identité compensatoire exacerbé, l’intégration devient très problématique. Le problème, ce ne sont pas les différentes croyances, mais la frustration, la jalousie et la colère des laissés-pour-compte. De plus, le comportement violent de ces jeunes radicalisés jette le discrédit sur tous les membres de leur communauté qui n’ont aucune propension à la violence.
Pourtant, selon l’auteur, l’immigration peut tout à fait constituer une solution. Ainsi, Singapour jouit de la plus grande densité de mathématiciens de haut niveau au monde, tout en ayant le plus haut degré immigration planétaire avec 43 %, parce que ce pays mise sur l’innovation et n’hésite pas à mettre le prix pour attirer des migrants à haut niveau de formation.
Les errements de la politique migratoire allemande sont observés de très près par le sud-ouest asiatique, d’où proviennent en 2014 60% des patentes déposées, contre 22,9 provenant d’Amérique du Nord et seulement 12,9% d’Europe (contre 20,5%) dix ans auparavant. Certes, les allemands sont encore quatrièmes au niveau du nombre de patentes derrière la Corée du Sud, le Japon et la Chine, mais la tendance est à la baisse, ce qui réjouit la concurrence asiatique.
Alors que les allemands sont contraints d’envisager une dépense de 1,5 milliards d’Euros pour financer l’assistanat social - parfois à vie - des migrants entre 2015 et 2020, le sud-est asiatique investit des montants similaires dans l’innovation pour augmenter sa capacité concurrentielle. Le Japon a une densité robotique deux fois plus grande que l’Allemagne, car les japonais ont compris qu’il vaut mieux remplacer - du moins partiellement – les départs à la retraite de travailleurs qualifiés par des machines intelligentes que par des semi-analphabètes.
Face à la panique que suscite le demi-milliard de migrants potentiels formés qui rêvent de s’établir en Europe, certains pays ont tendance à se transformer en « forteresses de compétences » qui cherchent à attirer de la main d’œuvre hautement qualifiée. Ce n’est plus seulement le cas du sud-ouest asiatique, car des pays comme l’Australie, le Canada, la nouvelle Zélande, mais aussi la Norvège, la Grande Bretagne et la Suisse commencent à suivre cette voie. La solution n’est pas la xénophobie, mais l’immigration sélective. Le message transmis aux migrants est le suivant : qui fait ses devoirs scolaires peut franchir les frontières.
La Suisse, avec ses 300 000 immigrés allemands, obtient un niveau d’exportation de produits de haute technologie qui se situe à 275% de la performance allemande.
En ce qui concerne la productivité basée sur le talent, la Suisse est première au monde devant Singapour et la Grande Bretagne, alors que l’Allemagne n’occupe que la 17ème place.
Actuellement, la spirale descendante de l’Allemagne est inquiétante : elle n’occupe plus que la vingtième place quant aux compétences cognitives de ses élèves. Son attractivité pour le personnel étranger hautement qualifié se situe certes à la 20ème place, mais ce ne sera pas suffisant pour rattraper le terrain perdu. En raison d’une immigration massive et non-sélective, les plus performants, qui doivent financier un système social de plus en plus pléthorique, perdent courage et quittent le pays. Si un cinquième d’une classe d’âge (140 000 personnes, parmi les meilleurs) persistent à s’en aller ailleurs, un changement de la politique migratoire viendra trop tard pour l’Allemagne.
July 6th, 2017