Dans sa chronique des Beaux Parleurs du 13 mai 2018, Slobodan Despot s’interroge sur le sens véritable des contrôles aéroportuaires. Et si le danger du terrorisme n’était qu’un prétexte?

La bouteille d’eau qui met le feu aux poudres
J’ai parfois l’impression d’être pris pour un débile.
Je ne sais pas pour vous, mais chez moi, c’est dans les avions et les aéroports qu’elle se manifeste le plus. Je feuillette parfois les anciens magazines, où l’on voit des hôtesses impeccables et stylées passant parmi les fauteuils dans des Superconstellation à hélices. On vous sert dans de l’argenterie, les fauteuils sont bien espacés, tout le monde est heureux. Monsieur fume la pipe, Madame caresse son caniche sur ses genoux. Pour arriver dans ce paradis, ils ont tout juste dû montrer leur passeport à des fonctionnaires discrets et déférents à qui il ne serait jamais venu à l’idée de leur faire ôter même leur chapeau par soupçon de mauvaises intentions.

Aujourd’hui, on vous fait payer en supplément le simple fait de ne pas avoir vos genoux dans le menton. Enfin, quand on fait plus d’un mètre 90 comme moi. Fumer ou caresser le caniche est évidemment exclu. Les hôtesses sont surtout harassées et la vaisselle en plastique, tout comme la nourriture. Notre compagnie nationale se distingue même, sur certains vols, dans l’expérimentation culinaire d’avant-garde: elle inaugure le papier mâché comme produit alimentaire. (Je garde le numéro du vol à disposition des intéressés)

Mais le pire, ce n’est pas ça. C’est le contrôle. On vous fait déballer vos bagages, enlever votre ceinture, lever les bras en l’air… Bien sûr, c’est pour votre sécurité. La sécurité, ça justifie toutes les concessions. Parlons-en.

L’autre jour, j’avais ainsi oublié d’enlever de mon sac un couteau suisse et une bouteille d’eau. La bouteille a fait l’effet d’un électrochoc sur la brave dame du portail, au point qu’elle n’a même pas relevé le couteau suisse. Or le couteau suisse, c’est bien connu, pourrait servir à détourner un avion. Tout comme la bouteille d’eau pourrait servir à le faire péter. Si, par exemple, elle contenait de la nitroglycérine.

Ce n’est pas impossible. Mais alors, si le personnel de sécurité considère tout liquide dans votre sac comme potentiellement explosif, comment peut-il le jeter aussi nonchalamment dans une simple poubelle, à côté du portail? S’il y avait vraiment un risque d’explosion, n’aurait-on pas posé là des containers en plomb ou en béton armé capables d’absorber une explosion? Vous imaginez l’effet d’un demi-litre de nitro explosant au milieu d’un point de contrôle bondé?

C’est à se demander s’ils croient eux-mêmes à leurs dispositions, me suis-je dit en repartant, ou s’ils ne font pas tout ça juste pour nous flanquer le stress. Un stress que nous allons ensuite soigner par un ou deux achats impulsifs. Tiens, justement, après le contrôle, on nous aligne les échoppes duty free les unes derrière les autres. On peut même y racheter au prix fort la bouteille de nitroglycérine que les cerbères ont fichue à la poubelle.