Le 10 juillet 2016, un jeune employé du Parti démocrate était abattu dans le dos dans un quartier tranquille de Washington D. C. Ce meurtre sans mobile apparent a rapidement donné lieu à des conjectures et des théories du complot: Seth Rich était-il le «lanceur d’alerte» qui aurait fait couler Hillary Clinton? Deux semaines après sa mort, en effet, WikiLeaks publiait 20’000 e-mails du Comité central du parti démocrate, écornant considérablement l’image de celui-ci.

L’affaire a suscité récemment un nouvel imbroglio. Seymour Hersh, prix Pulitzer, l’un des journalistes les plus respectés du monde anglo-saxon. Dans une conversation avec Ed Butowsky de Fox News, il aurait déclaré, se fondant sur une source au-dessus de tout soupçon, que le FBI de Washington avait pénétré l’ordinateur de Seth Rich et établi que celui-ci avait «proposé un large échantillon» en demandant de l’argent.

Si ce fait était établi, il aurait une signification énorme: il ferait s’écrouler d’un seul coup la théorie du complot dominante, celle d’une implication russe dans la campagne électorale U. S.

Ce témoignage clef n’est apparu que dans les documents d’un procès, jamais dans les médias de grand consommation. Néanmoins, Seymour Hersh l’a aussitôt nié. Jusqu’à ce que le site Big League Politics diffuse un enregistrement audio du même Hersh détaillant ce qu’il niait avoir jamais proféré.

L’enregistrement a été rediffusé sur Twitter par WikiLeaks. Il vaut la peine d’être écouté attentivement. On y entend le prestigieux journaliste affirmer qu’un insider de haut niveau lui avait lu un document du FBI confirmant que Seth Rich avait bien été en contact avec WikiLeaks avant son assassinat.

En résumé, il ne subsiste que deux options:

  • A) La thèse selon laquelle Seth Rich a été assassiné à cause de ses «fuites» hostiles au Parti démocrate, immédiatement étiquetée «théorie du complot» par les défenseurs du camp Clinton, dont Le Monde — mais qui se trouve confirmée par l’un des journalistes les plus crédibles des Etats-Unis (même s’il l’a vainement nié, sans doute par peur).

  • B) La thèse selon laquelle la fuite WikiLeaks avait bénéficié d’un coup de pouce russe (et l’assassinat de Seth Rich n’était qu’un acte de violence gratuit), qui n’a toujours pas trouvé un début de preuve, mais qui continue d’être défendue par le mainstream médiatique et politique aux Etats-Unis et ailleurs.

Les tenants de la thèse B continuent de dénoncer sans aucune preuve les tenants de la thèse A comme complotistes. Or la thèse B, en entretenant une paranoïa dénuée de motif réel, nous rapproche de jour en jour d’un conflit armé entre les Etats-Unis et la Russie. Cette affaire n’est-elle pas assez grave pour susciter de véritables enquêtes, rationnelles et dépassionnées dans les médias dont ce devrait être le travail?