Quand les médias de grand chemin relaient sans aucun recul critique des positions de l’Eglise catholique, quand l’Eglise catholique dit la même chose que les médias, on peut subodorer un début de putsch dans le pays ciblé. Cela n’a pas manqué: le gouvernement du «dictateur» (élu) Nicolas Maduro est affublé de tous les maux par le mainstream. Et les observateurs attentifs voient s’agiter les mêmes crécelles usées qui ont déjà servi dans tant de révolutions «colorées».

Celle de Kiev fut la plus sanglante d’entre elles — et celle de Caracas lui ressemble de plus en plus. Un tableau récapitulant la responsabilité des morts violentes du mois de mai dernier montre a) que le gouvernement tue nettement moins que ses opposants, b) qu’il y a derrière ceux-ci des stratèges de l’hyperviolence qui poussent délibérément à la confrontation sanglante par le moyen de l’assassinat (qu’on se souvienne des snipers «amis» et des immolations par le feu en Ukraine).

Sur l’autre bord, l’extrême gauche mélanchonienne défend bec et ongles la «révolution» chaviste bolivarienne dont il reste bien peu de lambeaux, sans reconnaître la responsabilité criante du gouvernement Maduro dans la colère de la rue. A l’écart de ces polémiques, la revue de gauche américaine Jacobin publie un essai scrupuleux, clair et passionnant de Mike Gonzalez sur les origines et les coulisses de cette crise. On y découvre un paysage désolant: promesses sociales trahies, braderie du capital environnemental, corruption et luttes de clans du côté des «chavistes» — et violence brute, fuite des capitaux, trafics et mépris de caste du côté de la droite vénézuelienne.

Malgré son parti pris assumé de gauche populaire, l’article du professeur Gonzalez constitue une véritable leçon de sérieux et d’instabilité pour les journalistes-perroquets qui essaient de nous reservir sous les tropiques le scénario ukrainien.